Légende : Barbe rousse


Légendes brésiliennes

Région : Norte

Origine probable : Il s’agit d’une légende populaire de l’état du Piauí. Le conte qui s’ancre autour de la lagune de Paranaguá est daté de 1830.

Noms communs : Barba ruiva (barbe rousse), barba branca (barbe blanche), Urué, barba nova (jeune barbe) et cabeça vermelha (tête rouge).

 


Barbe rousse

Dans un petit village proche de la lagune de Paranaguá, dans l’état du Piauí, une vieille dame vivait avec ses trois filles. La plus jeune des filles était éperduement amoureuse d’un jeune homme qui avait promis de l’épouser. Le jeune homme incarnait tous les espoirs de bonheur de la jouvencelle. Vint un jour où la  jeune fille sentit qu’elle était enceinte. Or le jeune homme était parti travailler sur des terres lointaines et n’était pas revenu. Personne ne savait où il pouvait bien se trouver. Peut-être était-il mort, peut-être avait-il envoyé une lettre qui n’était jamais arrivée, peut-être ceci, peut-être cela… La jeune fille n’avait qu’une seule certitude, elle aurait son enfant seule.

La jeune fille plongea dans la tristesse et la mélancolie en l’absence de son amour mais aussi se sentit très honteuse. Comment ferait-elle pour affronter le regard désapprobateur de ses voisins ? En effet, à l’époque, il était purement scandaleux pour une femme d’avoir un enfant sans être mariée.

Après mûre réflexion, elle décida que, dès la naissance du bébé, elle le placerait dans un bassin en cuivre et le jetterait dans les eaux de la rivière. Et ce fut ce qu’elle fit dès la naissance du garçon.

 

Attentive à tout ce qui se passait dans son domaine, Iara, la mère des eaux (lire la légende de Iara, l’enchanteresse des eaux), s’indigna de l’attitude de la jeune mère. Comment pouvait-elle être capable de livrer son fils nouveau-né au royaume des eaux ? Elle prit le garçon dans ses bras et l’emmena avec elle.

Mais Iara était si furieuse, que les eaux se révoltèrent, firent d’énormes vagues et inondèrent les rives, avalant les arbres et se répandant si loin dans les terres que la rivière devint un lagon cristallin comme un immense miroir. C’est ainsi que, de la colère de Iara la mère des eaux, s’est formée la belle et vaste lagune de Paranaguá.

La mère du bébé ne pouvait oublier son petit garçon. Elle devint aigrie et amère. Elle désirait ardemment savoir où était son garçon et ce qui lui était arrivé. Nuit après nuit, elle allait au bord du lagon et restait là à regarder l’eau dans l’espoir que le clair de lune lui indiquerait où il se trouvait. Le clair de lune ne lui dit rien, ne montra rien. Cependant, si ses yeux ne pouvaient pas le découvrir, ses oreilles pouvaient percevoir un son étrange venant du fond du lagon. Les pleurs d’un jeune enfant.

Le cas de cette jeune mère malheureuse commença à être discuté et commenté. Tout le monde voulait entendre le cri venant des eaux. Mais peu à peu, les gens se sont éloignés de cet endroit et personne d’autre ne voulu construire une maison près du lagon. Personne ne voulait entendre, ni ne pouvait supporter, nuit après nuit les fragils pleurs d’un enfant abandonné dans les eaux.

Et ainsi les jours suivaient les nuits, dans la course infatigable du temps qui passe, jusqu’à ce qu’une nuit le bébé cessa d’être entendu. Le charme était-il terminé ? Les villageois commencèrent alors  à s’approcher de plus en plus de la lagune.

 

Un matin, un groupe de jeunes filles qui venait laver des vêtements au bord de la lagune ont vu la silhouette d’un garçonnet sourriant surgir des eaux. Elles eurent tellement peur qu’elles s’enfuirent laissant derrière elles leurs vêtements. Elles ne revinrent que dans l’après-midi et là, au même endroit, la figure réapparut. Seulement maintenant il s’agissait d’un beau jeune homme à la barbe rousse qui courut pour les enlasser. Une frayeur et une course de plus.  La nuit tombée, les jeunes filles retournèrent une nouvelle fois chercher les vêtements, certaines qu’elles n’auraient plus de vision. Mais… voici qu’au même endroit, elles virent apparaître le même homme mais cette fois-ci à la barbe blanche.

Depuis ce jour, beaucoup de villageois observèrent ce phénomène. Fait intéressant, il ne veut pas parler aux hommes, mais quand il voit une jeune femme, il court vers elle, non pour la blesser, juste pour l’enlasser et l’embrasser. Comme elles ne connaissent pas ses intentions, les jeunes femmes ont peur de barbe rousse et n’osent pas se rendre seules à la lagune pour y laver les vêtements.