Femmes bréliennes : Bonnes, méchantes et dangereuses (2)


Bonnes, méchantes et dangereuses (partie 2)

Parmi celles qui « connaissent leur place » et les transgesseuses, il y a de tout dans cette histoire : saintes, sorcières, adultères et révolutionnaires. Elles ont osé remettre en cause le statu quo.

  1. L’adultère féminin dans le Brésil colonial
  2. Le contrôle de la femme et de son corps
  3. L’isolement des femmes au couvent

 

          1. L’adultère féminin dans le Brésil colonial

Domitila de Castro Canto e Mello, la marquise de Santos (1797-1867) fut la maîtresse la plus connue de l’empereur Dom Pedro I. Domitila est née à São Paulo au sein d’une des familles les plus traditionnelles de la ville. Comme il était courant à cette époque, elle épousa à 15 ans Felício Pinto Coelho de Mendonça et déménagea à Vila Rica dans le Mina Gerais, où se trouvait le régiment de son mari. Felício s’est avéré être un homme violent qui battait sa femme.

Contrairement aux conventions sociales, Domitila retourna chez son père avec ses deux enfants et demanda le divorce à son mari. Le couple essaiera encore de se réconcilier en 1818, mais après avoir subi une tentative de meurtre de la part de sonmari, Domitila l’abandonna et se retira dans la maison de sa grand-mère.

Le 29 août 1822, lors d’une visite à des familles importantes à São Paulo, Dom Pedro rencontra Domitila. Quelques jours plus tard, il proclamera la séparation du Portugal et du Brésil, mais il ne l’oubliera pas. Quelques mois après, Domitila serait installée à Rio de Janeiro et la romance entre eux durerait cinq ans. Elle fut répudiée par l’empreur lorsque ce dernier apprit ses fiancailles avec Amélia de Leuchtenberg. Ce dernier exigea que Domitila quitte sur le champ Rio mais elle s’y refusa. Pratiquement seule, abandonnée même par sa famille qui craignait la colère de Dom Pedro, elle parvient avec lui la vente de tous ses biens qu’elle était contraite d’abandonner.

De retour à São Paulo, Domitila qui avait reçu le titre de marquise de Santos en 1826, épousa le brigadier Rafael Tobias de Aguiar l’un des hommes les plus riches de la province. Fait rare pour l’époque, l’union se réalisa sous le régime de la séparation des biens. Domitila souhaitant assurer son entière indépendence vis-à-vis de son époux. Domitila amassa une fortune colossale finissant même par figurer parmi les quinze premières capitalisations de l’Almanak administratif de São Paulo en 1858.

Le cadre étant posé, revenons au premier mari de Domitila le violent Felício Pinto Coelho de Mendonça. En 1918, après avoir été poignardée par son époux, Domitila fut accusée d’adultère. En réalité, après avoir falcifié la signature de Domitila pour la vente de terrains appartenant au couple, Felício souhaitait simplement se débarasser de sa femme avant que cette dernière ne prenne connaissance de la cession. Mais pourquoi l’accuser d’adultère ?

Les ordonnances Filippines, sorte de code pénal en vigueur à l’époque, prévoyaient dans le livre V: « L’homme marié trouvant sa femme en acte d’adultère, peut licitement la tuer, tout comme son partenaire dans l’adultère, sauf si le mari est un colporteur et l’adultère un noble, un juge, ou toute autre personne de meilleure qualité. » En somme, le  mari pouvait se venger de l’adultère de sa femme en la tuant elle et son partenaire à condition que ce dernier soit d’une condition sociale égale ou inférieure. Le code précise aussi qu’il appartenait au mari, meurtrier légitime selon la loi, de prouver l’adultère par une preuve légale conforme, le mari étant ainsi «libre sans peine».

Dans le cas de Felício, cela ne s’est pas produit : il ne parvient jamais pu prouver l’adultère de Domitila. Mais le mal était fait. Avec tout ce scandale, son moralité était perdue aux yeux de la société, elle allait devenir une femme de mauvaise réputation. Felício lui resterait libre puisque Domitila n’était pas morte et que le mari avait, en ces temps là, le droit « d’éduquer » sa femme.

 

          2. Le contrôle de la femme et de son corps

L’église catholique a instilé à ses dévots un code de valeurs qui se préoccupait beaucoup de l’honneur et la vertu des femmes. Quant aux relations charnelles, elles étaient exclusivement destinées à la procréation au sein du marriage. Ressentir du plaisir ou donner du plaisir n’était pas considéré normal ou religieusement acceptable, bien au contraire. Les femmes qui déviaient de ses règles et de cet ensemble de valeurs, comme susciter l’attention par le biais de quelque scandale qu’il soit, étaient condamnées socialement et moralement pour ses péchés.

Un stricte code de la conduite féminine cherchait à maintenir l’honneur de la femme sur la simple évocation de son nom exsangue de toute notoriété ou rumeur. Une femme déshonorée faisait l’objet de discussions au sein de la société, puis atteignait une certaine notoriété et pour cette raison elle devenait une « mauvaise » femme.

 

          3. L’isolement des femmes au couvent

Dans la péninsule Ibérique, l’église a fini par aider à maintenir les filles cloîtrées entre l’enfance et les fiançailles mais également les femmes qui, issues d’une famille désargentée, sans dot ou sans prétendants, n’étaient plus à leur place dans la société. Outre les couvents, surgirent les établissements de retraite féminines. Ces établissements protégeaient les femmes et leurs vertus du monde extérieur. Certaines d’entre elles y demeuraient temporairement, d’autres rejoignaient définitivement les ordres.

Les couvents et, principalement, les établissements de retraite laics se tranformèrent peu à peu dans une forme de contention des femmes déviantes ou en risque de déviance. Ils devirent des espaces de réclusion qui « avaient pour finalité de prévenir, contrôler ou punir la conduite des femmes. Ils préservaient les bonnes manières pour défendre la morale publique » selon Algranti dans son ouvrage Honnorée et devotes, femmes de la colonie.

Au Brésil, l’esprit colonial demandait que soit orchestrée la colonisation, que les femmes donnent le jour à des enfants afin de peupler le nouveau monde, peu importait, selon les paroles du Père Manuel da Nóbrega, qu’elles soient droites ou « erronées ». Il était ainsi difficile d’obtenir l’autorisation de fonder des couvents ou des établissements de retraite et très coûteux d’envoyer ses filles en metopole afin de les interner.

Non seulement des femmes célibataires mais aussi des femmes mariées furent contraintes d’y séjourner par le simple commandement de leur mari ou de leur père. Beaucoup d’hommes qui s’absentaient pour de long voyages y placaient leur femme et leurs filles afin que leur honneur soit préservé jusqu’à ce qu’ils reviennent.

Au Brésil, malgré les diffiscultés, furent fondés différents établissements de retraite comme celui de Sainte Thérèse à São Paulo en 1685, celui de Notre Dame du bon accouchement à Rio en 1754. L’établissement de São Paulo accueillait des filles de bonne famille moyennant une contre-partie financière mais également des filles de condistion plus modeste afin qu’elles soient employées comme servantes. Rapidement l’établissement commença a accueillir des mères célibartaires et des prostituées.

En plus des dévotes et des femmes de mauvaise réputation, ces établissements pouvaient accueillir des criminelles et des femmes réelement mauvaises. L’une d’elles fut Gertrudes Maria dos Reis. A la fin du 18e sicècle, Gertrudes, filles du capitaine Francisco Xavier Leite, fut séduite et prostituée par le capitaine en chef de la ville de Cunha, José Gomes de Siqueira e Motta.

Elle fut internée à Sainte Thérèse par le capitaine général de São Paulo, Antônio Manuel de Melo Castro e Mendonça. Elle y resta cloîtrée jusqu’à l’organisation de son mariage avec un jeune homme récemment arrivé au Brésil puis retourna habiter à Cunha avec son époux.

José Gomes avait déserté de son poste pour se rendre au Minas Gerais. Gertrudes qui souhaitait retrouver son ancien amant tenta de persuader son époux de déménager dans le Minas Gerais. Celui-ci ne ceda pas mais Gertrudes aidée de deux esclaves assassina son mari et l’enterra dans le jardin. Elle fuit la ville de Cunha en direction de Parati où elle fût arrêtée et condamnée.

 


A suivre, Bonnes, méchantes et dangereuses (partie 3)

  1. L’inscendie du Recolhimento do Bom Parto
  2. L’éducation des femmes
  3. Anália Franco et ses élèves sans parents