Céramiques et Bonecos de Barro (« poupées / figurines d’argile »)

La constitution et l’ancrage des techniques artisanales au Brésil sont le résultat de transculturations apparues tout au long de 4 siècles entre les indiens, les noirs et les blancs. C’est l’art populaire et artisanal le plus développé au Brésil.
De l’extrême nord à l’extrême sud du pays peuvent être admirés des exemplaires originaux et caractéristiques basés sur des coutumes et folklore locaux.
Dans le Nordeste, l’une des représentations les plus significatives de cette manifestation est, sans aucun doute, celle de Mestre Vitalino avec l’art en argile.
Vitalino Pereira dos Santos (Caruaru PE 1909-1963). (PE = Pernambouc, capitale Recife)
Vitalino était un céramiste populaire et un musicien.
Fils d’agriculteurs, il commence dès son plus jeune âge à modeler de petits animaux avec des restes d’argile que sa mère utilisait pour confectionner des ustensiles domestiques destinés à être vendus au marché de Caruaru.
Ces animaux sont issus du répertoire rural : bœuf, chèvre, âne et cheval.
Mestre Vitalino a très rapidement excellé dans la réalisation de figurines inspirées de croyances populaires, de scènes relevant des univers rural et urbain, scènes du quotidien, rituels et imaginaire des populations du sertão (= arrière-pays) du nordeste brésilien.
Dans les années 1930, probablement influencé par les conflits armés de cette période, Vitalino commence à modeler ses premiers groupes composés de figures de cangaceiros (voir avant-dernier épisode de Denise sur les Cangaceiros), soldats, politiciens et diplômés (ex : avocats, etc.).
En début de carrière, les différentes couleurs étaient obtenues en utilisant de l’argile de divers tons : rougeâtre et blanc.
Puis, Vitalino a commencé à peindre les « bonecos » avec des peintures industrielles, ce qui leur confère un aspect joyeux et ludique.
A partir de 1953, il arrête de peindre les figurines pour ne les faire qu’avec de l’argile brulé.
Une grande partie de son œuvre se réfère aux trois principaux rythmes de passage :Naissance, mariage, mort.
Les scènes de baptême sont des chroniques du monde rural.
Le thème du mariage apparaît également fréquemment avec le « Casamento no Mato » (mariage dans la forêt / bois), « O Noivo » (le marié) et « A Noiva » (la mariée).
Les enterrements demeurent aussi des compositions révélatrices des rituels de ce milieu rural

Si l’on compare par exemple :
– « Enterro na Rede » (enterrement dans le hamac)
– « Enterro no Carro de Boi » (enterrement dans le char à bœuf)
– « Enterro no Caixão » (enterrement en cercueil)
On peut percevoir les différences de statut des morts par exemple, via la manière dont ils sont transportés.
A ces travaux s’ajoutent les diverses processions crées par l’artiste comme les scènes qui font appel à l’imaginaire populaires :
– « A Luta do Homem com o Lobisomem » (La lutte de l’homme avec le loup-garou)
– « O Vaqueiro que Virou Cachorro » (Le cow-boy qui est devenue un chien)
– « O Diabo Atentando o Bêbado » (Le diable tentant l’ivrogne)
Dans la production de Vitalino, les scènes relatives à l’ordre et au crime dans le sertão brésilien sont aussi récurrentes.

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Entre bandits et soldats, policiers, voleurs de chèvres et de poulets se détachent, entre autres, les figures des cangaceiros Lampião, Maria Bonita et Corisco (voir avant-dernier épisode de Denise sur les Cangaceiros).
Les aspects caractéristiques et sociaux de la région comme la sécheresse et les migrations, sont également présents dans des œuvres telles que : Os Retirantes
Des créations liées aux scènes de travail permettent de noter les divisions entre taches masculines (« cow-boys », agriculteurs, hommes transportant de l’eau ou en train de traire des vaches) et féminines (lavandière, dentellière, femmes cuisinant ou cousant).
Vitalino rend également honneur aux professions urbaines telles que : dentistes, médecins, vétérinaires, barbiers, couturiers, vendeurs de fumo de rolo (feuilles de tabac enroulées en longues cordes).
Il faut mentionner que Vitalino n’a cessé, tout au long de sa carrière, de travailler les formes des animaux suivants : bœuf, âne, cheval, chien, jaguar ainsi que de produire des ex-voto.
Dans l’Etat de São Paulo, dans la vallée de Paraíba, et particulièrement dans les villes de São José dos Campos et de Taubaté, la tradition des « bonecos de barro » a commencé il y a plus de 150 ans et avait pour finalité de magnifier la “crèche” préparée pour Noël.

Les personnes qui réalisaient ces figurines (= les figureiras) le faisaient d’après ce qu’elles connaissaient ou avaient entendu parler. C’est pourquoi, très souvent, le résultat ne correspondait pas à ce qu’il devait être ou à la réalité !